T’avais l’esprit trop ailleurs ce soir-là Jo. La tête qui tourne, le ventre qui brûle. T’avais envie de gerber, envie de crier. Mais t’étais juste là, debout. Le regard trop perdu, le corps trop tremblant. T’avais encore craqué Jo. Le nez trop poudré, la tête explosée. Mais, tu faisais pas exprès. Non. T’essayais, toujours d’arrêter. Mais, ça coulait, là, dans ton corps. Ça coulait au point de te blesser, au point de te tuer. Jonny. T’étais qu’un con. Alors, quand elle prononça ces quelques mots. Quand elle glissa cette phrase dans le creux de ton oreille. Jo, t’avais pas réussi à ne pas devenir fou. Fou de rage. Fou de tout. Et t’avais hurlé. Et t’avais poussé. Poussé jusqu’à la voir là. Étendue petite poupée, le coup brisé. Jo, t’avais tué. Jo, t’avais hurlé, pleuré, t’avais essayé, de la sauver, mais, c’était trop tard Jo. Parce qu’elle était tombée, l’aimée.

Un sursaut, un soupir. Les mains tremblantes, tu fixais droit devant toi. Un mur blanc. Blanc de trop de pureté, là, dans ton studio. Nouvelle vie, nouveau chez toi. Depuis un an maintenant. T’avais fui. Fui pour ne plus voir ce visage. Pour ne plus pleurer, crier. Un accident. T’avais arrêté. Pendant trois mois. Jusqu’à ne plus y arriver, jusqu’à craquer. Encore.

Un pas. Une larme. T’étais à nouveau écroulé sur ce banc. Les yeux fermés, crispés. Les mains trop jointes, aux articulations brisées, blanches de douleurs. Tu priais. Toi qu’avais jamais été croyant. Tu priais pour demander pardon. Pour demander à l’aide. Pour enfin sortir la tête de l’eau. Enfin cesser les conneries, les douleurs. Mais, ça changeait pas grand-chose Jonny. Parce que tu continuais. Parce que ta vie avait toujours été ainsi. Merci à ta mère la putain. Merci à ta vie de putain. Un rire triste. Et, la croix dans ton dos. Comme à chaque fois, tu te disais que tu reviendrais pas. Comme à chaque fois, tu revenais.

Un rire, un sourire. Une étreinte. Un amant. Tu recommençais Jonny, à vivre doucement. À glisser dans tes draps, quelques amants de passage. Pour te sentir vivant. Pour te sentir aimer, un peu. Tu savais bien, qu’ils n’étaient pas comme ça. Qu’ils n’aimaient pas. Mais, ça te rassurait, un peu. De te sentir apprécier, parfois. Et puis, t’avais le droit, Jo, d’aimer aussi. Ça faisait longtemps maintenant, qu’elle était partie. La seule que t’avais jamais aimée.
Un rire, un sourire, et tu glissais à tes lèvres la bière que tes amis t’avaient offert. Oué, Jo. La vie reprenait. Et tu te sentais enfin mieux. Dans ta peau, dans ta tête. T’étais plus fou au point de la voir dans l’ombre. Plus fou au point de ne plus dormir la nuit.

Et pourtant, Jo, tu continuais d’y aller, prier. Pour essayer toujours et encore, de te faire pardonner, de demander à l’aide. Pour t’en sortir. Sans que jamais rien n’arrive. Jusque ce jour. Jusqu’à son regard et ses doigts brisés. Un signe ? Un geste ? Était-ce la réponse à tous tes mots, tes maux ?