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 (jesus) au creux des courbes.

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Christian Grethen
Christian Grethen

Messages : 37
Date d'inscription : 05/06/2015

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MessageSujet: (jesus) au creux des courbes.   (jesus) au creux des courbes. EmptyDim 21 Juin - 19:31




Flashback 2013.

L’eau perlait encore sa peau de porcelaine lorsque Christian se décida à enfiler une seconde peau, lassé de frissonner. Pantalon de costume et chemise (ouverte) étaient sacrés pour le danseur, toujours soucieux de son apparence. Même chez lui, il se sentait observé par autrui, violé dans ses secrets et ses fantasmes. Jamais à l’abri d’un soupire, jamais tapis dans l’ombre.

L’autre raison était là : il attendait quelqu’un qui ne saurait se faire attendre. L’appartement dépoussiéré et factice avait été préparé pour la venue d’un inconnu : toi. Christian s’allongea un instant sur le canapé en velours, passant ses bras au dessus de sa tête. Tu étais ce garçon qui portait le nom de Jesus (ce simple détail offusquait silencieusement le chorégraphe). Il avait décidé de rendre service à une chère amie, danseuse dans sa troupe et ô combien charmante (et ô combien bonne) qui avait demandé à ce que Christian pose pour toi, le jeune peintre… ou dessinateur, peu lui importait.

Face à ton visage juvénile et désarmant, Christian avait accepté. D’une certaine manière, cette proposition flattait son égocentrisme. Il allait être le maître d’une page blanche, ses propres traits ornant une création. Cette idée le réconfortait : la vieillesse qui se rappelait cruellement à lui ne l’avait pas encore marqué trop durement. Son corps restait celui d’un athlète, taillé dans la pierre, chaque douleur et chaque espoir au creux des courbes. Un délice pour les yeux, un délice pour de l’encre… De quoi immortaliser toutes ses défaites et tout ses victoires, visibles à travers la peau pâle de Christian.

Constanzia avait emmené Raphaël pour la fin de semaine hors de Florence, voir sa sœur. Christian avait été retenu par la représentation de demain, à laquelle il ne pouvait décemment pas manquer (mais c’était une sorte d’excuse, il le savait profondément). Il avait laissé leur soirée à ses marionnettes, désarticulées par la pression et l’effort qu’il leur demandait depuis des jours, angoissé par le spectacle arrivant à pas moqueurs. Il entendait dans les rues de Florence les promesses des spectateurs, leurs craintes grandiloquentes, leurs hyperboles d’hystériques affolant leurs lèvres. Le dernier spectacle n’avait pas été à la hauteur des autres, celui-ci pouvait valoir le billet de sortie pour la troupe Grethen. Et Christian ne laisserait personne vivre suite à un tel échec.

Tendu, il se leva enfin, la tête explosant sous la terreur d’un ultime raté. Ses muscles roulaient sous sa peau tandis que la colère s’emparait doucement de son corps, murmurant les récits tragiques de son appréhension.

La perte de Mila l’avait également étrangement affecté. Il ne pouvait encore se l’avouer, mais elle avait laissé un vide terrible que ses pensées tentaient de combler en tourments interminables. Plus son esprit s’enflammait, plus il se blâmait : pourquoi pensait-il tant à elle ? Elle n’était personne, une fillette dont les rêves brisés l’avaient amené à fuir la vie. Personne. Une ombre parmi les autres qu’il avait vu puis… Non, il ne l’avait pas oublié. Aussi stupéfiant que cela l’était, cette fille s’accrochait à sa mémoire et l’empoisonnait depuis des semaines, maintenant.

On sonna enfin à la porte, coupant sa réflexion. Christian s’empressa d’attacher les boutons de sa chemise et de se montrer présentable. Rasé de près et parfumé, il ouvrit la porte pour te faire face, son invité, en t’accueillant d’un sourire de requin : à moitié forcé et à moitié convainquant. Christian n’était pas un homme docile, il fallait mériter son hypocrisie ou sa sympathie. Et toi ? Tu n’étais rien présentement.

Après les politesses habituelles dont celle de te faire pénétrer sa demeure, Christian te demanda rapidement de passer à l’essentiel. Tu as les cartes en main, à présent, il semble prêt à réaliser tes fiévreux désirs d’artiste…


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