Ange tombé du ciel. Gamin au milieu de nulle part, quelques cheveux d’or déjà dressés sur le crâne fragile. Deux petites émeraudes qui s’ouvrent sur le monde. Les poings serrés, loin des siens, l’ange pleure son abandon. Arrive le sauveur, l’aimé, l’homme qui le recueille sous ses ailes. La sueur sur son front, la maladie qui le ronge, la température qui monde. Le bébé brûle, la fièvre va l’emporter, il ne verra probablement pas le petit matin, le médecin est désolé. Et pourtant Othello est toujours là, il ne l’abandonne pas et l’enfant trouve refuge dans ses bras. Il est si bien contre lui, à sa place, que soudain, même sa mort semble faire moins peur. Il sera emporté dans le bonheur. Et pourtant, après une nuit en enfer, les yeux s’ouvrent de nouveau le lendemain, sa fièvre retombée. L’enfant miraculé, son cœur enchanté d’un nouvel amour pour son sauveur. Minuscule déjà, l’enfant perdu se retrouve dans son reflet, les pleurs qui cessent face à son propre visage. C’est comme ça qu’Othello l’a baptisé Narcisse. Il grandit parmi les autres enfants perdus, les âmes en peine passagères, la main accrochée à son nouveau père. Il se laisse guidé à travers la vie, ouvrant ses grands yeux pleins d’étoiles. Des fils d’or qui tissent leur toile entre les deux hommes. C’est si beau, pourtant. Le maître aux milles connaissances, la musique, les violons, les divins mets pour son oreille douée. L’enfant docile, à la bouche ouverte, se nourrit de tout cet apprentissage, étanche le gouffre de sa curiosité. Et pourtant il y a plus encore, dans le silence de la nuit, le péché qui empoisonne leurs draps. Seulement, le monde ecclésiastique est trop fermé sur lui, il commence à suffoquer, il lui faut plus de libertés. Alors le jour arrive, où l’oiseau quitte son nid, pour de nouvelles aventures. Le monde tout entier qui reste à explorer. Et pourtant, même s’il attrape maintenant seul ses proies, l’oiseau revient souvent vers celui qui lui apprit à battre de ses propres ailes.