Mais qui pouvaient bien être ces deux androïdes ? L'un arborait un sourire mièvre, sublimé par une dentition parfaite, probablement sponsorisée par Freedent. Ses longs cheveux châtains, qui tombaient en cascade sur ses frêles épaules, auraient fait pâlir d'envie la première venue, tandis que sa silhouette longiligne faisait visiblement le bonheur de la gent masculine, dont les regards concupiscents n'étaient dissimulés qu'avec difficulté. Le cliché lui-même semblait empli d'un désir presque palpable, comme si l'artiste, au moment de prendre sa photo, s'était senti habité d'une convoitise telle qu'il l'avait aussitôt transmise à son œuvre. Ceci étant dit, les allures de poupée du modèle coupaient court à toute animosité. Après tout, nul ne hait les anges. Le simple mortel se contente de les admirer, œil avide, bouche bée, en se demandant à quoi ressemble la vie au paradis.

L'autre spécimen, quant à lui, était tout aussi dégoulinant d'allégresse, mais à l'inverse de sa compagne, il inspirait à tous un besoin urgent de lui refaire le portrait. Même sur papier glacé, il possédait un petit quelque chose, absolument indescriptible, qui suscitait chez autrui, fût-il benêt, méfiance et appréhension, provoquées par un instinct de conservation fondamental. Peut-être était-ce ses yeux, trop bleus ; à moins que ce ne fut son sourire en coin, qui semblait se moquer du monde entier.

À la lecture de l'article, cependant, le lecteur lambda se faisait plus conciliant. Gérant d'un empire pharmaceutique depuis l'âge de vingt-trois ans, Tiziano Sforza avait du se construire seul, aussi bien en tant que personne qu'en tant qu'homme d'affaire. Son père ayant été emporté par un cancer quelques années auparavant, sa seule ambition était désormais d'honorer la mémoire de son défunt paternel tout en faisant la fierté de sa mère. C'était du moins ce qu'affirmait le journaliste.

« Il n'y a pas à dire, nous sommes décidément d'excellents acteurs. N'importe qui n'y verrait que du feu. C'est bien simple, j'ai même peine à nous reconnaître ! » s'exclama le jeune homme tout en reposant le magazine sur la table basse. « Nous pouvons être fiers de nous : notre petit numéro est parfaitement au point. »

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