Un jardin collégial aux exquis tableaux éphémères printaniers, c’est là qu’on le retrouva, sous le pommier central. Le nourrisson des dieux comme une apparition, une prophétie inconnue. Les hommes d’église éduquèrent le bel ange des cieux. Ils n’empêchèrent pas une vie désordonnée toutefois. Gosse des rues, coups et écorchures sur le corps svelte. Courir le parvis des églises et entendre le chant des saints dans cet intérieur sidérant. Et toi solitaire, poussant le ballon, surprenant les messes de tes pères. Tu n’as qu’une envie : partir. Tu viens d’ailleurs. Rimbaud des routes, peintre raté, adolescent qui offre une main-d’œuvre dans les jardins. Connaissance étonnamment précise de la flore. On l’embauche, on lui offre le gîte. Une vie sans remous, mais riche de voluptés végétales. Des filles que tu croises, la nuit dans la paille des fermes. Les garçons dont tu t’entiches sans mal, à l’orée des bois, dans les plaines désolées. Et les livres, amis des nuits trop longues, ouvrages que personne ne garde, la Bible dans la poche, secrets que tu décodes à la lumière d’une chandelle.

Filent les années brigands, les jours flibustiers, les heures pirates. De l’inconstance dans chaque chemin parcouru, des retours en arrière, des lubies éparses. Le droit chemin, la lumière divine. Jour de l’ordination. Le sacrement de ton Dieu. Des promesses libres, des engagements, purge de tous les péchés. Tu foules la nef  de ton pied vainqueur, tu t’extasies devant le plafond étoilé. Deviens un homme. Les folies que tu laisses derrière toi. Non pas ce goût de la chair pourtant. Un orphelinat pour le repentir. Une erreur humaine. Ces fillettes et garçonnets à qui tu apprends à lire et écrire, des morales que tu transmets et transgresses. Une vraie fournaise interne. Le jeune homme au corps frêle, fièvre depuis deux jours, le docteur est pessimiste. Cette main que tu tiens au risque d’attraper le même mal. Ton corps contre le sien pour faire baisser la température. Remerciements dans la chaleur des draps. On succombe on se noie.

Seul dans ce confessionnal. Mots isolés, emmurés. Cilice à la jambe, la plaie ouverte de l'âme. « Pardonnez-moi seigneur, j’ai péché. » Le salut n'est pas pour toi.